Laura Dukes1Rare dans les débuts de l’histoire de l’ukulélé sont les destinées de femmes intimement liées à l’instrument ; bien sûr l’ambassadrice May Singhi Breen à laissé sa marque sur nombre de partitions, de méthodes et quelques cires, reines et princesses hawaiiennes quelques décennies plus tôt composaient sur l’instrument et parfois laissaient leur nom à une déclinaison du uke à six cordes (1), dénichées sur youtube,on retrouve quelques brillantes showgirls ou actrices avant guerre qui l’ont joué parfois avec dextérité, même Anette Hanshaw au détour d’un break….mais, mais….

Bien avant la présente vague et ses pléthores de babes aguicheuses qui enchainent les cover sur youtube, bien avant les habituées des scènes ouvertes de toute la planète, bien avant les incomparables stars, les Uni, Veronica, Janet, Victoria, Agathe et autres Ginger il y avait Laura, Laura Dukes, Little Laura Dukes qui du haut de ses un mètre quarante trois et trente huit  kilos arpenta les scènes, les bars, les boutiques de Memphis et du du Tennessee du Texas et de l’Illinois de 1933 a 1985 armée de sa voix assurée et de son banjo-uke.

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Née en 1907, enfant de la balle, elle est la fille du batteur de W.C Handy , le père du Blues, figure indissociable de Memphis, créateur du mouvement d’indépendance des musiques noires des provinces avec son label Black Swan. Naturellement, des l’âge de cinq ans elle grimpe sur les planches pour danser et chanter et gagne vingt cinq dollars par semaine qu’elle redonne à sa mère, ce sont les Ministrels et Medecine shows, les petites caravanes itinérantes s’installant à la soirée ou à la semaine dans les petites villes du Sud c’est là quelle s’imprègne de la rencontre du country blues mélancolique et du répertoire pop et ragtime que s’approprient les musiciens chanteurs noirs pour offrir de la comédie dans ces « shows » des 20’s. Bien sur dans ce milieu de la scène blues elle croisera les grandes chanteuses qui sillonnent l’Amérique, les Ma Reiney , Bessie Smith, Effie Moore : des modèles de self made women bien trempées…

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Laura veut apprendre à jouer la musique, en 1933 sa route croise celle du jeune Robert Mc Collum ( qui deviendra Robert Lee McCoy puis Robert NightHawk, slide guitariste mythique de la trempe des Tempa Red et Muddy Waters ) il lui apprends la guitare dont elle ne joue des le départ que les quatre cordes aiguës…tiens tiens… à la recherche d’un petit instrument à son format, elle tâtera de la mandoline, jouera du tipple à dix cordes accordées en quatre coeurs : GCEA, mais le ukulélé la tente, Robert Burse, que connait Laura, un guitariste du Memphis Jug Band (qui cartonne à la fin des 20’s) à un petit frère, Charlie, appelé « Ukulélé kid » : la déferlante de la première vague ukulélé est arrivée jusqu’à Beale Street…Laura n’y résiste pas et achètera son banjolélé à East St Louis, un Gibson trapdoor (vendu sur ebay il y a quelques années, avec des notes personnelles et des photos, nous rappelles  Karl.)Laura Dukesdukes11

Elle est partie avec Robert au hasard de la route, en stop, pendant un an ils jouent dans les boutiques et bars de campagne en échange du gite et du couvert, à East St Louis ils sont engagés dans un bar-billard pour six mois puis, quittant Robert, elle retrouve Memphis et Beale street : les hustlers des années 10/20 sont partis vers Chicago avec nombre de musiciens, le milieu des zicos se partage les bars : jazzmen d’un coté, bluesmen et Jugbands de l’autre … après un passage à vide Laura retrouve ses amis qui font renaitre le South Memphis Jug Band, en 1947 elle rempile avec « ukulélé kid » son frère et d’autres fidèles, certains toujours occupés à la vente et fabrication des « médecines » à base d’herbes indiennes, elle devient une figure du Memphis des petits combos acoustiques : violon, guitare, contrebassine, quelques cuivres, répertoire roots, quelques blues de sa signature, elle joue avec le Will Batts Novelty Band et grave en solo quelques cires dans les 50’s puis devient une incontournable du circuit blues pour touristes blancs dans le Memphis des 60’s découverte par les blues geeks anglais et nordiques dans les 70’s elle enregistre encore et se retrouve dans des compiles et le splendide docu de la BBC présenté par Alexis Korner l’incroyable bluesman anglais ( lui aussi joueur de tipple à ses heures….) Elle y joue d’un petit uke bon marché concentrée sur ses accords une version un peu éteinte d’une chanson de son répertoire des 30’s/40’s…Laura Dukesbbc

Petite femme avec son petit instrument et petite histoire dans la grande, traversant intimement le siècle du blues depuis sa naissance, elle s’éteindra dans les années 80, une ravissante vielle personne qui admet dans les interviews prendre beaucoup de plaisir dans la musique de quartier, avec ses amis…..

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Laura compte une véritable fan en la personne de Amy Crehore qui peint ce très beau portrait sur fond de flammes en 1993.

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Biblio et Vidéos :

-On trouve ICI une très complete discographie et iconographie.

-L’episode deux de la seconde série « The Devil’s Music » difusée sur la BBC en 79,

Laura entame son blues juste après la présentation d’Alexis Korner:

httpv://www.youtube.com/watch?v=XDjQmsYI4t8

-Deux enregistrements des années cinquante :

httpv://www.youtube.com/watch?v=YJY3gLCdHiw
httpv://www.youtube.com/watch?v=eIvsXy_-N1o

(1) Le Lili’U ukulélé a quatre coeurs et 6 cordes tient son nom de la princesse et reine Liliʻuokalani (qui écrivit et composa – avec l’aide de Berger – « Aloha Oe » ) qui dans sa jeunesse fit la promotion du jeune instrument.

5 pensées sur “Laura Dukes”

  1. Un grand mahalo François, pour cette très belle présentation. Je découvre avec bonheur ces contrées musicales.

    Maruuru roa.

  2. La classe américaine comme toujours.

    Merci pour cette découverte Uncle.

  3. Pas un Slingerland, mais un Gibson trapdoor – visible sur les photos, et vendu sur ebay il y a quelques années, avec des notes personelles et des photos. Belle article!

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