Ukulele Orchestra and Great Britain ukuleles

En Grande-Bretagne, l’ukulélé appartient à la tradition nationale au même titre que le cricket, le pub, la tasse de thé, le rock’n’roll ou l’humour nonsensique. Et l’Ukulele Orchestra of Great Britain est le fleuron de cette tradition ukulélesque aussi séculaire que déjantée.


Déjà, Lewis Carroll photographiait Alice et ses cousines jouant l’ukulélé, et le hibou d’Edward Lear en accompagnait sa sérénade quand, avec le chat, They danced by the light of the moon, the moon, the moon. Certes, l’instrument s’appelait encore machete et venait de Madère, mais c’est de là qu’il entreprit le long voyage jusqu’à Honolulu, et lorsqu’en 1919 les musiciens hawaiiens le ramenèrent à Londres dans leur bagage, chacun le reconnut et s’empressa de l’accueillir sous son nouveau nom indigène : ukulele. Adepte enthousiaste, Édouard Windsor, prince de Galles en joue fort bien, il organise des ukulele tea parties pour la gentry, offre des instruments à la famille royale lors des fêtes de noël, emporte le sien dans ses safaris africains. La fièvre gagne toute l’Angleterre après les représentations à l’Hippodrome de Londres de la revue Leap Year, où le tableau final réunit cinquante joueurs d’ukulélés que les frères Keech d’Honolulu ont réunis pour l’événement. Puis arrive George Formby, sorte de croisement entre Fernandel et Charles Trenet à l’accent populaire de Liverpool s’accompagnant d’un ukulélé. Son succès s’étendra, à travers la scène et de nombreux films pendant toutes les années 1930 et bien au-delà de la seconde guerre mondiale. Outre le grand public, plusieurs générations d’artistes vouent à Formby un véritable culte, parmi eux Eric Clapton, les Beatles — John Lennon, Paul McCartney et surtout George Harrison, collectionneur d’ukulélés, membre bienfaiteur de la Formby Society —, mais bien d’autres encore, tels Peter Sellers ou Malcolm Lowry qui clôt sa propre épitaphe ainsi :
« … He lived, nightly, and drank, daily And died playing the ukelele »


C’est dans ce prestigieux contexte historique que s’inscrit The Ukulele Orchestra of Great Britain. L’ensemble se réunit la première fois en 1985 pour ce qui ne devait être qu’une expérience d’un soir. Le succès rencontré lors de cette représentation est tel que l’orchestre doit rejouer le lendemain. Il n’a plus jamais cessé depuis. Dès 1988, l’UOGB comptait à son actif un LP, une apparition au WOMAD, une session BBC Radio 1 ainsi qu’une émission de télé BBC.

Depuis un quart de siècle, l’UOGB est devenu une institution nationale, vénérable et vénérée. Ses membres, en frac et avec le plus grand sérieux, moulinent à l’ukulélé les fleurons des compositeurs classiques, rock, punk, de musiques de films ou d’avant-garde. Wagner, The Clash, Beethoven, Nirvana, Bach, The Beatles, Morricone, Undertones, Sex Pistols … nul n’échappe.

L’entreprise ne tient aucunement du pastiche ou de l’ironie, encore moins du barbouillage exotique. Elle relève plutôt de ce que l’on nomme en français ‘pataphysique, avec tout ce que cela suggère de recul, de distance, d’appels d’air. Un changement d’échelle et de perspective qui permet à partir du dérisoire d’atteindre l’essentiel et d’entendre d’une tout autre oreille ces musiques souvent ressassées. Une vraie solution imaginaire, la meilleure possible. La plus jubilatoire aussi, puisqu’un spectacle de l’UOGB tient également des Monthy Python ou des Hoffnung Concerts.

L’ensemble actuel comprend les mêmes musiciens depuis plus de vingt ans. Il a donné des représentations sold out dans le monde entier, en Grande-Bretagne, Allemagne, Suède, Finlande, Pologne, Amérique, Canada, Nouvelle-Zélande, Japon…

Car c’est bien entendu sur scène que l’expérience UOGB prend toute sa dimension.

En vingt-cinq ans, The Ukulele Orchestra of Great Britain a suscité nombre de vocations, voire d’imitations. Les orchestres et clubs d’ukulélés ont éclos un peu partout dans son sillage, au point que souvent on lui impute d’avoir déclenché ce nouvel engouement pour l’instrument qui depuis quelque temps a gagné la planète entière. La musique de l’UOGB enrichit la bande-son de films, de pièces de théâtre, de pubs, et les captations de ses concerts live ou à la télévision se sont répandues sur internet où elles attirent des millions de visites. L’Orchestre a collaboré avec, entre autres, Madness, David Arnold, le British Film Institute, Ministry of Sound, Yusuf Islam (aka Cat Stevens) ou encore Kaiser Chiefs.


Cyril LeFebvre


(texte rédigé pour le programme du Théâtre de la Ville le 19 septembre 2011, premier spectacle à Paris de l’Ukulele Orchestra of Great Britain.)

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