Il fallait s’y attendre !
En prenant une grande ampleur, la vague ukulélé française a atteint quelques sommets, mais n’a pu au même temps empêcher de se laisser parfois happer par la médiocrité inhérente au mainstream, et ainsi déclencher un commencement de réaction anti-ukulélé assez mérité. Pour l’instant, on ne note rien de bien violent, juste une certaine presse qui se gausse des « chanteuses folk à ukulélé », ou un groupe folk au nom potache (La Rue Bignol) se vantant de délivrer son message à travers une « chanson française sans ukulélé ».
Seule la maison Tricatel prend une position plus radicale et appose sur l’ensemble de sa production un panonceau « Garanti sans ukulélé » figurant un Brüko barré et cerclé de rouge comme une signalisation de zone non-fumeur ou une tête de mort Jolly Roger sur un emballage bio de produit toxique.


Tricatel, un label qui nous est cher à plus d’un titre.
Nous avons donc demandé à Bertrand Burgalat les raisons d’une telle démarche.

Outre la dizaine de disques et B.O. de films du patron, Bertrand Burgalat, le label Tricatel offre sur son catalogue des albums d’April March, de A.S Dragon, High Llamas, les poèmes sonores de Michel Houellebecq, de Jonathan Coe, et plein d’autres choses épatantes, même si on n’y entend guère, il est vrai, d’ukulélé – quoique l’anthologie André Popp dans la collection Musée Imaginaire aurait pu inclure son immense succès Song For Anna, spécialement composé pour l’ukuléliste hawaiien Ohta San avec qui il collabora sur tout un LP…


– Bertrand Burgalat, pourquoi une telle croisade contre l’ukulélé ?

– BB : « Mon existence est malheureusement parsemée d’âneries de ce genre. En faisant ce petit autocollant je voulais juste railler l’utilisation qu’en fait une certaine chanson française. Ecoutant Inter un matin j’étais tombé sur l’interview d’un duo de fils et fille de célébrités. Après des considérations aussi denses que le résonateur d’un dobro nos deux héritiers avaient pulvérisé sans vergogne Over the Rainbow, en s’accompagnant d’un ukulélé. C’était le massacre de trop et j’en ai oublié toutes les bonnes choses qu’on peut faire avec cet instrument ainsi que le fait qu’étant très abordable à tous points de vue il peut faciliter l’accès à la pratique musicale.
C’est d’autant plus nul de ma part que si j’ai cultivé jusqu’à l’excès un certain goût pour l’anachronisme et une grande méfiance vis à vis des modes je le dois en partie à Cyril LeFebvre. Lorsqu’à la fin des années 70 j’avais vu dans un journal la pochette de son album Vibrato j’avais eu immédiatement envie d’aimer sa musique, et je n’avais pas été déçu. Je découvrais un exotisme idéalisé que j’avais entrevu dans le morceau Ananas Symphony, sur le disque « Ralf und Florian » de Kraftwerk, et que je retrouverai ensuite sur l’album « Discover America », de Van Dyke Parks. Il y a une dizaine d’années j’ai rencontré Fay Lovsky à Amsterdam qui m’a fait découvrir le fantastique Ukulélé Club de Paris ».


– Mais alors, n’est-ce pas se tromper de cible que d’attaquer l’ukulélé plutôt que l’ukuléliste ?

– BB : « Vous avez parfaitement raison. Einstein ne pouvait prévoir Hiroshima, les Hawaiiens et leurs disciples ne peuvent être tenus pour responsables d’une catastrophe dont ils sont les premiers à souffrir. L’ukulélé-nervant, l’ukulélaid n’est pas une cause mais le symptôme d’un certain style de biens culturels pour trentenaires, prévisible, pauvre en calories comme en harmonies.
Ce qui est beau et difficile c’est de transcender le minimalisme de l’instrument, de faire riche avec peu, pas de se servir de sa prétendue simplicité comme d’un prétexte pour faire passer des compositions rétrécies. 4 cordes me semble d’ailleurs encore excessif pour l’usage qu’en font certain(e)s, ça vaudrait le coup d’en retirer encore quelques-unes ».


– L’auto-collant provocateur n’est ainsi qu’une mise en garde salutaire contre ceux qui ont oublié que l’ukulélé devrait rester un instrument à la fois modeste, amusant mais aussi musical. Doit-on déchiffrer de la même manière l’écu qui orne l’anthologie Tricatel Rare, et dont le liston reprend la devise de Louis XIV : « nec pluribus impar » ?
On pourrait prendre cela comme un hommage à l’ukulélé, puisque le Roi-Soleil fut un guitariste virtuose à une époque où la guitare ne comptait encore que cinq cordes et n’était guère plus grande qu’un uke ténor ?

– BB : « Tel Keith Richards, le Roi-Soleil jouait sur une guitare cinq cordes ? Je l’ignorais. Mais peut être s’agissait-il du héros de la comédie musicale de Dove Attia et Kamel Ouali ? »

– Comment peut-on se procurer ces édifiants autocollants « Garanti sans ukulélé » ?

– BB : « Comme pour la Légion d’Honneur il faut une demande expresse du récipiendaire. D’habitude nous donnons ces autocollants aux personnes qui commandent des disques ou du merchandising sur notre site. On peut aussi nous écrire : Tricatel 6, rue André Messager 75018 Paris ».

BB avec CL pour ukulele.fr


ADDENDA

Les réactions anti-ukulélé ne datent pas d’hier. Dès 1917, la presse new-yorkaise se déchaînait contre la prolifération des ukulélistes, et dix ans plus tard encore, de l’autre côté de l’Atlantique, le Daily Mirror de mai 1927 profitait de la venue d’Art Fowler en Angleterre pour se plaindre des piètres ukulélistes qui troublaient les nuits d’été dans les quartiers calmes de Londres en grattant toute la nuit leur instrument :

(Thanks to Les Cook for this press clip)


Au chapitre des autocollants de bon goût, signalons aussi celui du SUDUKU ainsi que les modalités pour l’obtenir.

19 pensées sur “Bertrand Burgalat et les Anti-Ukulélé”

  1. Est-ce vraiment la bonne cible ? Il me semble que les joueurs de djembé ont beaucoup plus à se reprocher !

  2. Est-ce vraiment la bonne cible ? Il me semble que les joueurs de djembé ont beaucoup plus à se reprocher !

  3. Est-ce vraiment la bonne cible ? Il me semble que les joueurs de djembé ont beaucoup plus à se reprocher !

  4. et pourtant non : il n’y a pas d’invasion de joueurs de djembé médiocres sur les plateaux de télé et de radio ou les disques de chanson française ou étatsunisienne. Par contre pour le ukulélé…

  5. "la prolifération des ukulélistes" ? J’aimerais bien, pass que, dans mon coin, c’est pas vraiment le cas …

  6. Pour répondre à Yves, et à François, il est clair que Burgalat ne s’en prend nullement à la pratique amateur, mais seulement à la chanson française "pro".

  7. Pour répondre à Yves, et à François, il est clair que Burgalat ne s’en prend nullement à la pratique amateur, mais seulement à la chanson française "pro".

  8. Quel pro du business… Arriver à surfer sur une mode tout en la dénonçant…

  9. j’aime beaucoup l’humour de M. Burgalat. Je suis ukuléliste, et l’horreur de l’uke me sort par tous les pores quand je le vois fondu à toutes les sauces instantanées. Mort à l’uke soupeux, vive l’ukulélé! (et vive la flûte de nez, mais pour l’instant, on n’est pas encore envahis:)

  10. Pourquoi tant de haine !!?? Comme si les "chansons et prestations de merde" avaient attendu le ukulele pour se manifester ! Dans ce cas là c’est 95 % des diffusions qu’il faudrait interdire.Monsieur Burgalat fait avec le ukulele ce qu’il reproche aux autres, de la pub pour son business !

  11. Ben, c’est merite tellement le massacre de Over the rainbow par le desormais celebre Israel Kamakawiwo’ole me fait convulser a chaque ecoute forcee. Ah!!! Heureux etaient les gens du temps de Judie Garland… non, je dirais simplement que certaines personnes ont de l’humour et Bertrand Burgalat en fait partie.
    Ca me rappelle un album de David Grisman et Jerry Garcia qui avertissaient les acheteurs par une vignette sur leur disque qui disait un truc du genre: "Attention ce disque ne s’adresse pas aux gens qui ecoutent Michael Jackson, Prince, Madonna ou withney Houston…" Je trouves ca plutot cool!
    Il suffit d’avoir un peu le sens de l’humour! ^_^

  12. Merci à tous et encore pardon à ceux que j’ai pu offenser. Cher Youkoul vous n’imaginez pas à quel point je suis flatté par votre commentaire, personne jusqu’ici ne m’avait qualifié de "pro du business"!

  13. Très cher Bertrand Burgalat,
    en tant que docteur en Tricatologie et clone de Valérie Lemercier, j’ai pour ma part été ravie de pouvoir coller un de vos autocollants sur mon Martin vintage dès juin dernier. Bisous et à la prochaine !

  14. Très cher Bertrand Burgalat,
    en tant que docteur en Tricatologie et clone de Valérie Lemercier, j’ai pour ma part été ravie de pouvoir coller un de vos autocollants sur mon Martin vintage dès juin dernier. Bisous et à la prochaine !

  15. Ha Ha Ha ! Mort de rire. Bien joué.. Maintenant les chanteuses à youkoulélé vont toutes défiler en se récriant : Pas moi m’sieu, hein !? les autres oui, mais pas moi, hein ? moi j’ai de l’humour, comme vous, même que j’ai collé votre sticker sur la devanture de ma boutique. Vous zavé pas l’adresse ? La voilà ! un peu de pub fait pas de mal, hein m’sieu ?
    un petit coup d lèche non plus.

  16. Ha Ha Ha ! Mort de rire. Bien joué.. Maintenant les chanteuses à youkoulélé vont toutes défiler en se récriant : Pas moi m’sieu, hein !? les autres oui, mais pas moi, hein ? moi j’ai de l’humour, comme vous, même que j’ai collé votre sticker sur la devanture de ma boutique. Vous zavé pas l’adresse ? La voilà ! un peu de pub fait pas de mal, hein m’sieu ?
    un petit coup d lèche non plus.

  17. Moi j’y vois, le début d’une révolution ! la fin d’une certaine idée de l’instrument…et à terme l’interdiction formel de jouer "Over the rainbow" ou "I’m yours" sous peine de sanctions…
    VIVE LE UKULELE NOUVEAU… !!!
    (de préférence avec de l’electronique dedans, et accompagné de percussions Indienne)
    *non, pas du tout, je ne prèche pas pour ma paroisse…c’est pas mon genre…

  18. "mais n’a pu au même temps empêcher de se laisser parfois happer par la médiocrité inhérente au mainstream"

    A côté de cette phrase Arielle Dombasle n’est ni snob ni pédante!

    On se demande s’il n’y a pas des gens et des genres dont la seule valeur est d’être peu…

  19. Moi aussi ça m’énerve quand on me dit "Ahh! tu joues du youkoulélé comme Julien Doré…"
    Mais bon je rêvais tellement que ce petit instrument prenne une vraie place en France… la place qu’il mérite, celle de l’instrument le plus facile à jouer et le plus démocratique.
    Pas besoin de faire le conservatoire pour lâcher une vidéo de ses exploits sur l’instrument.
    Le ukulele est sans prétentions, il est simple, ludique et généreux, voilà ses plus grands défauts.
    Et comme disait mon ami Roudoudou : Peace, love & Ukulele

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