L’ukulélé décati, l’aigrette vaudevillesque et l’œil pétillant de malice appartiennent bien sûr à Allen « Farina » Hoskins, tel qu’il apparaît dans Noisy Noises, un film de Hal Roach réalisé en février 1929 pour la série Our Gang, dite aussi The Little Rascals.
Et ce n’est pas la seule fois que l’ukulélé surgit entre les mains des Petites Canailles.
Quelques spottings au détour des nombreux épisodes de cette série…

Noisy Noises – 1929

Malgré une épouvantable rage de dents, Joe (Joe Cobb) se voit confier la garde de son petit frère Rupert, un bébé braillard qui pousse des hurlements au moindre bruit venant le tirer de son sommeil, qu’il a particulièrement léger. Ainsi, hors de question que Farina montre ses talents à imiter Rosetta, des Duncan Sisters, qui tenait alors le rôle de Topsy en s’accompagnant à l’ukulélé dans une version théâtrale très populaire de La Case de l’Oncle Tom.

Personne n’aurait pu de toutes façons juger du résultat, puisque Noisy Noises date de la fin du muet, quand MGM fournissait aux projectionnistes les bobines accompagnées d’un disque de musiques d’orchestre et de bruitages enregistrés qu’ils utilisaient seulement si l’équipement de la salle le permettait. Et quand, des années plus tard, la télévision française diffusa la série sous le titre Les Petites Canailles, elle fit appel aux talents d’improvisateur du pianiste et compositeur Jean Wiener.

On ne saura donc certainement jamais comment sonnait l’ukulélé de Farina. Le bon piqué de la photo de plateau permet cependant d’apercevoir une étiquette de fabricant à travers la rosace. Elle reste pour moi indéchiffrable. L’instrument paraît vintage en 1929, sans que cela ne fournisse de piste supplémentaire : un accessoiriste particulièrement scrupuleux avait dû laisser l’ukulélé exposé au soleil et aux embruns sur la plage de Santa Barbara pendant quelques mois de manière à lui donner cette patine craquelée, préfigurant ainsi les recherches que conduisent actuellement Yamaha à travers l’A.R.E. (Acoustic Resonance Enhancement) et Francis Schwarze de l’Empa avec sa culture des champignons lignivores qui permettent le vieillissement rapide des bois et ainsi, aux violons à dix sous de sonner comme des stradivarius au point de tromper les plus grands experts.

Les Petites Canailles tenaient déjà l’ukulélé lors d’aventures précédentes. Comme dans Stage Fright[, un épisode d’octobre 1923 où l’instrument figure dans le fatras hétéroclite d’objets bruyants que le Gang brinqueballe à la répétition de la troupe de théâtre amateur.

À la même époque, Mary Kornman posait volontiers avec un ukulélé (à peine tendu de deux cordes) :

Tout comme Alfalfa (Carl Switzer) :

Même si ce n’est le plus souvent que dans sa seule version cheap destroyée, l’ukulélé reste un des rares véritables instruments de musique dont jouent les Canailles. Un véritable instrument ? Justement non, selon l’American Federation of Musicians qui, pendant toutes les années 1920-1930 et 1940 persiste à le considérer comme un jouet et refuse obstinément la carte aux ukulélistes professionnels (il ne reviendra sur sa décision qu’en 1950, contre toute attente, au moment où les nouvelles matières plastiques le font plus que jamais ressembler à un jouet).
Comme ses autres collègues d’Hollywood, Hal Roach profite donc de ce mépris borné pour coller un ukulélé entre les mains de ses jeunes acteurs sans encourir les foudres du puissant syndicat – qui contribuera également à la multiplication sur les plateaux de tournage des harmonicas, kazoos, jazz-o-flûtes, washboards et autres washtubs inscrits sur la même liste de bannissement (on retrouvera tous ces indignes objets sonores sur disque, sur scène et à la radio en 1942-44, pendant les grandes grèves de musiciens du Petrillo Ban).

Champions de la caisse à savons, héros en armures forgées dans la boîte de conserves, percussionnistes virtuoses de la casserole, as du bricolage système-D et déchiffreurs passionnés des plans Popular Mechanics, les Petites Canailles ne pouvaient passer à côté du bidonlélé. L’honneur revient à Allen « Farina » Hoskins d’en arborer un magnifique exemplaire conçu à partir d’un bidon de peinture satinée marque Velvet, partie intégrante de sa grande tenue d’artiste peintre-homme-orchestre.

Il ne s’agit là que de quelques exemples d’ukulélés et bidonlélé chez les membres du Gang. Leurs aventures s’étalèrent sur vingt ans, de 1922 à 1942, et au-delà avec les versions télé et dessins animés ultérieures. Ces dizaines de films mériteraient un spotting consciencieux, qui par ailleurs devrait se révéler plus jubilatoire que fastidieux.
CL

(image colorisée de réalisation récente par Lucia)

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